Joueurs, maintenez le Kayfabe

En lisant le Storyteller secrets, j’ai découvert très tardivement une notion très importante du catch appelée Kayfabe, grâce à Jason Andrews. Et grâce à lui également, j’ai appris que cette notion pouvait s’appliquer au GN. Vous pouvez lire cet article ici grâce à By Nights Studio.

Et si on expliquait tout ça, et qu’on travaillait sur ce que cette notion peut nous apporter ? Prenez masque et slip en latex, on entre dans le monde étrange et transpirant du catch !

Qu’est ce que le Kayfabe ?

Dans le catch, on fait un spectacle d’allure sportive. L’une des composantes importantes est de toujours, toujours maintenir la cohérence de la scène. Si, par exemple, deux catcheurs arrêtaient de se battre à la télévision pour siffler une bière peinard en parlant de leurs épouses, le coté spectaculaire de la scène serait vite brisé.

Dès qu’ils sont en spectacle, ils sont des adversaires.Ils vont donc faire semblant et maintenir coûte que coûte leurs personnages, et tout faire pour donner l’impression que c’est du vrai combat à mort. En gros : on peut être les meilleurs potes, lorsqu’on est dans le spectacle, on fait semblant de se haïr et de se battre, et on garde cette posture, et on fait tout pour que le spectateur y croit.

C’est ça, maintenir le kayfabe. Et ça ne les empêche bien sûr pas (en privé) de siffler une bière ensemble peinard en parlant de leurs épouses. Dans d’autres contrées, on appelle ça le play to lift.

Keep the Heat Alive

L’une des composantes du Kayfabe, c’est de garder l’attention des spectateurs par la tension narrative de la scène. Ils appellent ça the Heat (la chaleur) et le but est de garder la chaleur vivante, de garder l’intérêt du spectateur en rajoutant de la tension. Et pour ça les catcheurs, en amont, s’arrangent : « alors je vais insulter ta mère à la prochaine interview, tu va venir et me casser une chaise sur le dos… ». 

Tout ça, dans le but que le combat qui aura lieu trois semaines plus tard chauffe les fans à blancs, impatients de voir nos deux héros en découdre.

Bref, le Kayfabe intègre le fait de faire monter la tension, de « faire le show », jusqu’à l’explosion finale.

Vendre votre adversaire

L’autre composante du Kayfabe, c’est de vendre son adversaire au public. Alors attention avec ce terme : il ne s’agit pas d’enchaîner son adversaire et de l’échanger contre 30 deniers ! En réalité il s’agit de donner de la crédibilité à son adversaire.

Par exemple, si le catcheur adversaire revient de l’enfer, il est terrifiant, son adversaire doit montrer au spectateur qu’il est impressionné, effrayé et terrifié. Il doit « jouer le jeu ». Cela ne l’empêche en rien de rester fier et courageux, malgré la peur qui semble le tétaniser.

Le fait de vendre son adversaire va plus loin encore. Si un catcheur fait à l’autre son « signature move » (sa prise de catch la plus célèbre) ou paraît faire une frappe particulièrement forte, c’est à celui qui reçoit le coup de « vendre » au public la puissance cataclysmique du coup. La relevée difficile du personnage après un tel coup n’en sera que plus héroïque.

Bref, le Kayfabe intègre le fait de jouer le jeu, et de respecter le personnage de l’autre, pour que lui aussi vous « vende ».

Et en quoi ça se rapporte au GN ?

Vendons la mèche directement : nous avons un kayfabe. On le surnomme immersion et suspension d’incrédulité.

Comme le souligne justement Jason Andrews, le catch n’est ni plus ni moins qu’un GN avec des spectateurs : ils interprètent des personnages et font semblant.  La seule différence est subtile : en catch, les spectateurs sont totalement externes. En GN, les autres joueurs sont vos spectateurs.

En maintenant le kayfabe, vous participez à votre plaisir comme à celui des autres joueurs. Cela inclut de parfois se mettre d’accord pour créer ensemble une scène plus épique qui rajoute de la tension. Créer et entretenir de la chaleur.

Cela inclut également de vendre son adversaire. Si votre adversaire a un atout qui le rend terrifiant sur sa fiche, jouez le jeu. S’il a Puissance, marquez l’impact de ses coups surpuissants. S’il a une aura terrifiante, tremblez ! Il use d’un pouvoir comme Aliénation ? Hurlez !

Nier la fiche de votre adversaire, c’est l’inciter à en faire autant, et à foutre l’immersion aux orties.

Ne pas tuer

Vous noterez vite qu’il est rarissime que deux catcheurs s’entre-tuent. Ils ne font jamais d’action qui produise un résultat définitif. Si on tue son rival, il n’y a plus d’histoire de rivalité. Une fois l’autre mort, la chaleur est éteinte. Finie, finito !

En catch, on laisse donc son adversaire en vie, pour qu’il puisse revenir dans nos péripéties et nous créer de la Chaleur.  Comme je dit Jason Andrews, ce point s’applique totalement dans nos GNs : tuer vos ennemis c’est perdre une histoire intéressante. Et n’est-ce pas ce que nous voulons, créer une histoire qui claque, et dont on parle encore dix ans après ?

Soignez votre kayfabe

Il y a une composante essentielle du kayfabe qu’on a pas rappelée : siffler une bière.pardi ! Fêtez ensemble les scènes mémorables réalisées ! Notez que la boisson importe peu : ça marche également avec un café.  😉

Un conseil fréquemment donné lors de GNs socialement difficiles, c’est de devenir un « meilleur ami HJ » à chaque fois que vous êtes dur EJ avec un autre joueur. Soyez un ami meilleur à chaque fois. Soignez le kayfabe. Maintenez la confiance, la coopération HJ qui permet les pire coups de jarnac EJ. En simplifiant : plus vous êtes violent en jeu, plus nous vous invitons à être adorables, cordiaux et respectueux HJ.

Attention, on parle d’actes, pas de paroles. Ça ne sert à rien de proclamer de l’amitié. Ça se montre. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » comme dirait l’autre.

Vous venez de faire une crasse à un personnage ? Assurez vous qu’avant la partie suivante vous alliez boire un verre ensemble, rien que vous et l’autre joueur. D’une, pour vous détendre, et de deux, pour qu’il puisse constater de visu que vous n’en vouliez pas au joueur. Discutez en et payez lui une bière de notre part ! Et apprenez à vous connaître.

Ou alors, allez faire une partie de cartes ou de jeu de société ensemble. Choisissez une activité que l’autre joueur appréciera, qui prouve votre respect pour sa personne. Ça lui prouvera que vous avez des égards pour sa personne. Apprenez à mieux vous comprendre. Le jeu peut créer de belles amitiés, et vous avez déjà une passion commune : le GN.

Remarque

« Si je me met d’accord avec mon adversaire, c’est de la triche ».

Si c’est vous mettre d’accord pour vous foutre des bâtons dans les roues, et vous créer des difficultés, j’ai tendance à dire que ce n’est pas de la triche.  Ce n’est que le fameux play to lose que nous mettons en avant.

Mais le terme est peut-être mal choisi :  Il ne s’agit ni de gagner, ni de perdre. Il s’agit de faire des scènes épiques qui vous amusent. Quand, enfants, nous jouions aux Cowboys et aux Indiens, nous ne faisons que mourir et nous relever cinq minutes plus tard, il n’y avait pas d’enjeu. Ben le GN tel que je l’envisage, c’est pareil.

Pour moi, plus vous êtes potes HJ, plus vous devriez vous pourrir EJ, en pleine confiance. Maintenir un équilibre et une tension narrative nécessite de la communication, des règles communes en dehors du jeu.

Conclusion

Le kayfabe, c’est bon,  mangez en ! Plus sérieusement, en intégrant la dimension « spectacle » de notre jeu, en prenant soin de l’immersion et de la suspension d’incrédulité, le joueur participe à l’amélioration de l’expérience collective.

Et c’est une expérience qui permet de soigner ses amitiés, voir de les rendre encore plus riches, avec des souvenirs épiques dont les autres joueurs se rappellent avec les yeux brillants. Elle est pas belle, la non-vie ?

Le kayfabe un élément essentiel de ce que Jason Andrews appelle l’économie du cool et que je serai ravi de vous expliquer dans un prochain article.

Rajout de lectures pour aller plus loin :

https://site.pelgranepress.com/index.php/playing-to-lift-making-characters-shine/

 https://nordiclarp.org/2018/02/21/play-lift-not-just-lose/

 

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