Notes de conception

A GNafron, nous a semblé intéressant de faire quelques explications sur notre vision de jeu, ce que nous souhaitions mettre en place. C’est l’idée de ces notes de conception de la Chronique Mind’s Eye Theatre.

Lyon en tant que personnage

Nos notes de conception commencent par Lyon. Souvent, les histoires qu’on vit à Vampire sont sans lieu propre. Dans le sens qu’une confrontation Lupins-Vampire, on peut faire ça dans n’importe quelle ville de France. Bien que ça nous ai amusé pendant des années, ça nous semble un peu dommage, du coup nous avons voulu partir sur un autre axe.

Lyon est une des plus anciennes villes d’Europe. Avec un passif et une histoire foisonnante. Deuxième ville de l’Empire Romain après Rome,  Capitale des Gaules puis Primat des Gaules… Lyon alias Lugdunum est riche d’un passé de légendes et de faits.

Lyon a souvent été une ville avant-gardiste. C’est là qu’est né l’un des premiers courants proto-protestants, les vaudois. C’est là que les Canuts ont tenus les premières révoltes révolutionnaires ouvrières. Lyon était souvent révolutionnaire avant la révolution, républicaine avant la république, et maintenant Macroniste avant Macron…  Des papes y ont été élus, un Président de la République y est mort assassiné.

Du coup, ne pas profiter de l’histoire de Lyon, ca serait un peu un crime, à nos yeux. Pour nous, Lyon est un personnage essentiel de l’histoire.

Rue Édouard Herriot

Lyon est aujourd’hui une ville extrêmement divisée, moderne mais  tiraillée par son passif catholique qui a tendance à dériver, avec la présence de l’extrême droite etc… C’est aussi une ville avec une appétence pour une forme de  “modernisme libéral” (représenté par Emmanuel Macron, En Marche et Gérard Collomb).

C’est pourtant un ancien bastion de la lutte anarchiste et communiste, qui doit encore retrouver son histoire révolutionnaire perdue. Lyon est capable d’être à la fois une ville moderne, mais ancienne. Ouverte mais raciste. Laïque mais croyante. C’est une ville de paradoxes, de contradictions, de nuances, où la cohabitation est possible mais étrange et que nous voulons représenter ainsi.

De la cité aux vampires

Regardons ce que fait White Wolf sur d’autres villes : à Berlin, la ville est littéralement coupée en deux, pour représenter cela ils avaient mis deux Princes. Puis maintenant que la ville connaît une réunification lente et Berlin devient une ville étudiante, festive, punk, ils la font logiquement basculer côté Anarch.

En fait ils se servent du monde réel comme d’une base pour créer leur World of Darkness (et c’est logique). C’est un peu “donc cette ville est ainsi. Quel Prince pourrait avoir mené la ville vers cette configuration ?” C’est ce qui guide nos pas dans la création de notre vision de Lyon.

Une vision d’auteurs

Lyon tel que nous allons vous le présenter n’est pas Lyon tel qu’une autre équipe vous la proposerait. Nous viendrons avec notre subjectivité assumée.

Un exemple de cette différence de traitement ce serait par exemple la comparaison entre les séries Les Experts Miami et Dexter. Ces deux séries se passent à Miami, mais proposent des points de vue radicalement différents.

Les Experts présente une ville luxueuse, riche et plutôt froide, vue d’au dessus, jugée. Le Miami de Dexter est plus chaud, plus populaire, plus étouffant, l’angle est plus terre-à-terre.

Cela correspond à l’axe de la série, où les Experts jugent les crimes des riches, là où Dexter essaye de se fondre dans la populace. Pourtant c’est la même ville. Strictement. Cela reflète pour nous l’idée d’avoir un parti-pris et la nécessité de créer notre vision d’auteur.

Lyon tel que nous vous la présenterons aura une âme, une identité propre, un point de vue. Pour l’instant on pourrait le définir comme Lyon, ville des Lumières.

Lyon, ville des Lumières

Lyon est une ville de contraste, paradoxale.

Derrière les magnifiques pierres éclairées la nuit, derrière les bougies aux fenêtres le 8 décembre, derrière les illuminations propres et pures, il existe des ruelles glauques, huileuses, sombres et sales. Crasseuses et sans éclairage. Peut-être.. Peut-être que les lumières sont là pour faire reculer les ténèbres et la peur. L’opposition primordiale.

Il y a quelque chose de dangereux, caché dans les ténèbres et au fond du cœur des habitants eux-même. Il y a une peur sourde du noir et du vide, tapie au fond de chacun de nous, qui nous glace. Une angoisse vertigineuse de l’abysse et de l’inconnu, une terreur de notre part d’obscurité et de mort. Un manque sans fin que nous cherchons à remplir.

Quelle bête se cache en chacun de nous ? Suis-je prêt à tuer pour mes idées ? Pour ma foi ? Dois-je accepter d’agir comme une bête, afin de ne pas en devenir une ? Qu’est ce que je suis ? Chaque être est clair-obscur.

A Beast I am, lest a Beast I become.

Bien sûr l’opposition Camarilla / Anarch reflète cela. Mais comment la définir ? La Camarilla n’est que luxe brillant, alors que les Anarchs sont la fange de la société. Pourtant les Anarch représentent les idées des Lumières, alors que la Camarilla représente le froid du tombeau.

Nul ne sait, nul ne comprend, titubants que nous sommes, aveuglés par le lustre, errants dans les ombres.

World of Darkness

Le Monde des Ténèbres est un prétexte. Pourquoi les créateurs de Vampire l’ont-il créé ? Ils ont pensé un reflet déformé, sombre, de notre réalité, pour mieux en dénoncer les travers. S’ils dénoncent le côté désespéré et sombre du Monde des Ténèbres, son côté violent, raciste, drogué de fin du monde, c’est amplifié, pour mieux dénoncer ces travers dans le réel. Nous souhaitons reprendre cet étendard.

C’est pour ça que nous piocherons dans des concepts proches de nous : conflits identitaires et religieux, misères humaines (drogue et prostitution), crise des réfugiés, recul de l’Etat Social, accroissement de la pauvreté et des inégalités, mythe de l’homme providentiel, violence sociale de classse… Si nos joueurs vampires sont les maîtres du monde, ils doivent pouvoir appréhender l’idée de conséquence de leurs actes. Ils doivent comprendre qu’ils sont responsables de l’état désastreux du Monde des Ténèbres.

La religion

Dans nos notes de conception il était important pour nous de préciser la place de la Religion. Le Monde des Ténèbres est sombre et désespéré. Plus que le notre, encore. C’en est même le principe.

La nature du vampire, avec cette bête diabolique qui susurre à l’oreille du vampire, est désespérante et terrifiante. Il est donc naturel que certains, beaucoup, se tournent vers la religion, comme une imparfaite béquille, quelque chose vers lequel se raccrocher au passage du temps. Surtout que ni Anarchs ni Camaristes n’utilisent réellement les voies de l’Illumination du Sabbat. Ils n’ont pas cette possibilité.

Comme le dit si bien Ann Rice, le vampire, maudit par Dieu, est une preuve de l’existence de Dieu. Mais c’est une preuve vide de sens et terrifiante, parce qu’elle ne donne pas plus de réponses ou de réconfort. C’est une porte ouverte vers les abysses.

Sur la colline qui prie

Fourvière – http://www.ohanaware.com/hdrtist/

Pour nous, faire du jeu à Lyon sans parler de la religion serait regrettable.  Et ce sans parler même des Vaudois.

A Lyon, l’Église possède deux fois plus de bâti que dans la moyenne nationale. Il y a 94 congrégations et ordres religieux actifs dans le « vrai Lyon » du monde réel. On parle d’une ville où les œuvres sociales (Armée du Salut, Emmaüs et Notre-Dame des Sans-abris) sont essentiellement catholiques. C’est une ville en pointe dans la Manif pour Tous ou Civitas,  qui connaît de forts courants réactionnaires chrétiens (dont des formes violentes, racistes, anti-avortement et homophobes). Le tout coexistant à quelques centaines de mètres de bars gays et de quartiers cosmopolites.

Lyon est certainement l’une des villes les plus ouvertement catholiques de France, après avoir été en pointe sur l’anticléricalisme et le protestantisme. Autrefois Lyon arrivait à concilier son passif ouvrier et croyant, avec par exemple les prêtres ouvriers. Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’ouvriers à Lyon et la ville connaît un lent déclin religieux qui participe aux heurts qu’on connaît. Bref, nous analysons la période actuelle comme une fin d’époque compliquée de perte de repères, génératrice de tensions identitaires et idéologiques.

Plutôt que d’ignorer cette réalité, nous pensons plus porteur de plonger en plein dedans.  Nous voulons le faire sans manichéisme, avec recul, maturité. Entendons par là que nous souhaitons faire du jeu sans se moquer d’aucune religion. Nous pensons plus intéressant que les joueurs apprennent à appréhender des religions (réelles ET fictives), à les respecter, à mieux les comprendre.  

Humainement parlant, ça ne peut pas nous faire du mal que d’avoir à nous mettre à la place d’autrui. Et ainsi espérons-le, mieux appréhender les mécanismes qui mènent à la peur, à la haine, au rejet de l’autre, peut être intéressant. Si notre jeu peut avoir cette vocation sociale, de prise en compte de l’altérité d’autrui, tant mieux.

Dans d’autres chaussures

Le public rôliste est souvent athé ou agnostique. Probablement que les antiennes de certains envers le satanique jeu de rôle ont pu nous échauder. Seulement le jeu de rôle ne se fait pas hors les murs, hors contexte. Nous sommes des citoyens intégrés dans le monde. Mieux comprendre les concepts religieux est une opportunité intéressante pour notre communauté. Tant pour combattre certaines idées, quand ils vont trop loin, que pour savoir dialoguer avec les modérés.

Mais voyons cela aussi dans un angle inverse.  

Si des personnes croyantes viennent, nous souhaitons également qu’elles puissent expérimenter et appréhender l’athéisme, l’agnosticisme ou d’autres foi que la leur. Qu’elles puissent voir qu’un autre point de vue aussi cohérent que le leur existe et qu’elles en comprennent les principes, sans manichéisme ni moquerie.

Les coteries et gangs

Opéra de Lyon

Élément plus discret de nos notes de conceptions, les coteries multi-clan (représentant plusieurs clans) sont pour nous l’essence même du jeu, sa dynamique. Au début du jeu, des coteries seront déjà formées. Il y aura des coteries politiques, des coteries religieuses et des coteries autres (économique, liés aux arts, etc…).

Ces coteries seront un générateur de jeu et de tension. Mais il faut comprendre qu’il est autorisé, ou plus exactement proposé aux joueurs de créer et développer leurs propres coteries.

Bien sûr, dans un Mouvement Anarch favorable au changement, la création de coteries (nommées gangs) sera bien vue et très libre. Très bordélique aussi.

Dans une Camarilla plus organisée et conservatrice, il faudra plus de temps, probablement les faire valider par un officier… Tout ça sera plus lent, plus pesant et plus paranoïaque.

Développer des coteries, c’est notre réponse à un jeu de clan que lui nous voulons plus léger qu’à l’habitude,  Une énorme partie du jeu viendra aux coteries et sera généré par les coteries, nous ferons donc en sorte que chaque joueur fasse parti d’au moins 2 coteries.

Les Clans

Un Clan, c’est un repère de gens ayant les mêmes compétences et les mêmes capacités que vous, mais qui ont aussi les mêmes objectifs  et centres d’intérêts : ce sont des rivaux. Par conséquent, il faudra souvent négocier et jouer hors du clan.

Les structures internes des clans seront limitées au strict minimum et seront très orientées PvP. Attendez vous à ce que les postes soient rares -ou inexistants- et recherchés.

Attention, certains clans ont des stéréotypes très différents de ce que propose la Camarilla Française. Nous serons plus proches de ce que propose White Wolf. Donc surtout, du coté Clans, attendez vous à quelques changements radicaux d’univers.

En conclusion

Nous avons voulu un jeu plus local, mais aussi plus adulte et plus dur aussi. C’est un projet ambitieux, auquel nous espèrons que ces notes de conceptions vous donneront envie de participer.

 

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